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05.02.2021 - 12H59

Copropriétés en 2050 : les trois grandes mutations

Confrontées à des évolutions économiques, écologiques et sociales, les copropriétés ont trente ans pour faire leur révolution. Tour d’horizon des opportunités à saisir par les syndics.

La copropriété va se transformer en fournisseur d’énergie


« En 2050, la copropriété peut devenir fournisseur d’énergie ». Jean-François Coroller, fondateur et dirigeant du bureau d’études Ker Expert, en est convaincu. Une palette de technologies valorisant les énergies renouvelables à des coûts très mesurés pour les besoins en chauffage comme en eau chaude sanitaire sont d’ores et déjà à la disposition des copropriétaires. Commençons par les plus connues, à savoir le solaire thermique et les panneaux photovoltaïques. Qu’ils soient sur les toits, sur les stores et bientôt en façades. Autre solution qui se développe actuellement, la co-génération se présente comme une technologie simple, fiable et abordable, puisqu’il suffit de faire tourner un petit moteur fonctionnant au gaz (ou au GPL dans les zones non desservies par le réseau) pour produire simultanément de la chaleur et de l’électricité.

Comme dans le film « Waterworld », toutes les énergies fatales, appelées également ENR-R « énergies renouvelables de récupération », doivent être valorisées : on ne doit rien « gaspiller »

Au-delà de ces technologies, d’autres solutions émergent actuellement qui pourraient bien se démocratiser dans les trente prochaines années. « Comme dans le film « Waterworld », toutes les énergies fatales, appelées également ENR-R « énergies renouvelables de récupération », doivent être valorisées : on ne doit rien « gaspiller » ! », ajoute Jean-François Coroller. Dans cette longue liste figurent notamment la récupération des calories contenue dans les eaux grises pour préchauffer l’eau, la récupération de l’air vicié des VMC ou le principe des chaudières numériques. : iIl s’agit là de placer des capacités de calcul au sein même des chaudières pour récupérer la chaleur produite par les microprocesseurs. A l’heure où les data centers ne cessent de se développer, l’idée a effectivement du sens.

« Tous ces systèmes peuvent tout à fait être mis en place dans des immeubles anciens, en nécessitant quelques adaptations », rassure Jean-François Coroller. « Reste tout de même un souci, celui de l’obligation pour une copropriété qui souhaite devenir productrice et fournisseur d’énergie de se constituer en PMO, personne morale organisatrice, qui s’apparente sur le plan administratif aux douze travaux d’Hercule. Mais je suis convaincu que les syndics ont un rôle à jouer pour démêler cela, simplifier les process, proposer des solutions pour réaliser une comptabilité fine entre la production collective et les consommations individuelles et, surtout, rassurer les copropriétaires ». Voilà une belle et ambitieuse mission pour les années à venir.

Des tiers-investisseurs pour réussir la rénovation énergétique ?


En France, la rénovation énergétique des copropriétés n’a toujours pas pris le rythme attendu pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de ce secteur. « Il est difficile de croire que l’on va y arriver en demandant à chaque foyer concerné de dépenser entre 20.000 et 40.000 euros en moyenne pour réaliser la rénovation énergétique de leur immeuble », lance Joséphine Ledoux, co-gérante de Enera Conseil, bureau d’études spécialisé dans la rénovation énergétique des copropriétés. « D’autre part, la stratégie de rénovation doit s’appréhender de manière globale, en intégrant en plus de l’isolation et du remplacement des équipements, la conduite des installations et l’engagement des entreprises sur les économies d’énergie ».

La stratégie de rénovation doit s’appréhender de manière globale, en intégrant en plus de l’isolation et du remplacement des équipements, la conduite des installations et l’engagement des entreprises sur les économies d’énergie

Alors comment faire ? « L’avenir est aux groupements installateurs / tiers-investisseurs, qui pourraient s’acquitter des travaux complets de rénovation énergétique et prendre en charge le pilotage des installations. Ils se rembourseraient ensuite sur les économies réalisées au fil des années, les copropriétaires continuant à payer les charges au même niveau qu’avant la rénovation. Ainsi, ils devront garantir les économies d’énergie et mettre les moyens pour que le pilotage et les réglages fins soient effectués. Autrement dit, en 2050, le copropriétaire ne paiera plus pour une nouvelle chaudière ou une nouvelle isolation mais pour une température assurée et constante de 20° dans son appartement, sorte de leasing du confort thermique. Voilà qui s’inscrit finalement dans la droite ligne de la société des services vers laquelle nous nous dirigeons ! » Une idée moins incongrue qu’elle n’y paraît. Et ce pour deux raisons. Primo, le principe a déjà connu quelques expérimentations dans l’Hexagone. Secundo, elle a été avancée par Emmanuel Macron lui-même le 14 décembre dernier devant les membres de la Convention Citoyenne pour le Climat…

Pour les syndics, cette perspective comprend évidemment des conséquences notables. « Il va falloir qu’ils deviennent des sachants dans les économies d’énergie, sur les contrats de fournitures et, donc, dans ces systèmes de tiers investisseurs », souligne Joséphine Ledoux. Et d’insister : « Au vu du large parc d’immeubles vieillissant des années 60 et 70 qui a besoin de travaux importants, il faut qu’ils se forment rapidement à tout cela ».

Le syndic, futur créateur de lien social à travers des espaces partagés


« Comment recréer du lien entre les occupants, ré-impliquer les différents acteurs, propriétaires et locataires dans leur immeuble et leur quartier ? » C’est la question que se pose depuis déjà plusieurs années Thomas Desbonnez, maître-composteur et animateur en agroécologie, par ailleurs gestionnaire en assurance chez un courtier spécialisé en immobilier au sein de Sergic. Selon lui, « les syndics ont tout intérêt à se redéfinir sur ces sujets parce qu’ils ont une vraie place à jouer pour rapprocher les gens ». Il en est certain, là se trouve l’une des pistes indispensables de la copropriété de 2050.

Les jardins partagés permettent de réfléchir collectivement à l’autonomie alimentaire

Les solutions envisagées par Thomas Desbonnez reposent sur des sujets très concrets, qui émergent par endroits et qu’il faudrait largement multiplier. Par exemple, « les jardins partagés permettent de réfléchir collectivement à l’autonomie alimentaire » explique-t-il. « Et pour gérer les déchets, mettre en place du compostage collectif à l’échelle du quartier constitue un excellent prétexte pour se connecter à l’autre, à ses voisins, du même immeuble ou du bout de la rue ».

 

 

Sur ces sujets, les bailleurs sociaux avancent assez vite, proposant ici des potagers, là des buanderies collectives sur le modèle nord-américain, ailleurs d’inviter des moutons et des chèvres pour entretenir de manière naturelle les espaces verts communs. « Certains syndics se sont déjà saisis du sujet, avec des groupes de travail et des enquêtes participatives pour désigner des référents en écologie et création de liens », souligne Thomas Desbonnez. Lui-même a d’ailleurs lancé son entreprise, « L’écolo Potager », qui se propose notamment d’intervenir comme « outil social dans les copropriétés », pour reconnecter les gens à la terre et entre eux. Une démarche qu’il estime « primordiale, à l’heure où tout est fait pour nous connecter aux écrans. Prendre soin de son jardin intérieur étant tout aussi important ».

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