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16.04.2020 - 16H45
Vers la fin des stations traditionnelles ?
En 2028, les carburants alternatifs au diesel ou à l’essence devraient représenter 16% de la consommation énergétique des transports routiers1. Un changement de paradigme s’annonce donc pour les exploitants de stations-services, qui devront progressivement diversifier leur offre pour ne pas disparaître face à la concurrence de la grande distribution et des nouveaux acteurs de l’énergie.
Stations-services : une multiplicité d’énergies à distribuer
La palette d’énergies disponibles pour la mobilité durable est large : électricité, hydrogène, biogaz (bioGNV) ou encore biocarburants liquides (E85, HVO et B100). Si l’on peut voir, ici et là, quelques initiatives pour distribuer certains de ces carburants alternatifs, toutes restent en phase d’émergence.
Or, sans points de ravitaillement, pas de véhicules, et sans véhicules, pas de points de ravitaillement rentables. Ce problème de « l’œuf et la poule » est vrai pour toutes les filières de carburant alternatif.
Pour sortir de cette impasse, un « coup de pouce » est forcément nécessaire, soit à travers un soutien de l’offre (installation de bornes de recharges électriques par les collectivités par exemple), soit en créant de la demande en rendant l’utilisation d’un véhicule à carburant alternatif plus économique que le diesel.
Alors sur quelle énergie faut-il parier ?
Le quasi-monopole du diesel va progressivement laisser sa place à une concurrence entre énergies alternatives, qui, même si elle s’avère nécessaire, va rendre d’autant plus difficile leur émergence.
Une nécessaire multiplicité des carburants alternatifs
Certains veulent croire à un vecteur énergétique unique pour remplacer le pétrole. Mais la pertinence environnementale de chaque technologie dépend en réalité de son utilisation (livraison du dernier kilomètre, trajets longue distance). C’est d’ailleurs ce qui amène la Commission Européenne à engager des études sur l’impact du cycle de vie de chaque type de véhicule et d’énergie.
Le challenge des prochaines années est donc de faire émerger simultanément les 4 principales filières énergétiques (électricité renouvelable, hydrogène vert, biogaz et biocarburants), en s’assurant de conserver autant que possible un équilibre entre offre et demande.
Stations multi-énergies : un positionnement à trouver
Pour défendre leur place dans cette nouvelle bataille, les pétroliers commencent à déployer des stations multi-énergies. Mais quelle énergie alternative choisir en priorité en l’absence de perspectives claires sur la demande à venir ?
Les choix sont d’autant plus difficiles à faire pour les réseaux de stations-services traditionnels, pris en étau entre la grande distribution (pour qui les carburants alternatifs ne sont qu’un « faire venir ») et les nouveaux acteurs de l’énergie verte (Air Liquide, Endesa, ENGIE, Proviridis…) qui maillent le territoire. Ces derniers cherchent à capter l’essentiel des nouveaux clients sur les emplacements stratégiques. On observe déjà bien ce phénomène sur le GNV (Gaz Naturel Véhicule) ou sur l’Hydrogène.
À cette concurrence, s’ajoute la nécessité de monter en compétence pour maitriser des technologies moins connues et parfois plus complexes que les stations-services Diesel ou Essence.
Les stations-services traditionnelles doivent se réinventer
On ne se contente plus de transférer le carburant d’un contenant à un autre mais on transforme le produit sur place.
Transformer le produit, c’est augmenter la pression du gaz issu du réseau dans le cas du bioGNC, c’est convertir un courant alternatif en un courant continu pour la recharge électrique, ou c’est encore réaliser une électrolyse de l’eau, puis comprimer le gaz produit dans le cas de l’hydrogène.
Installations techniques de la station multi-énergie de Sarreguemines
(GNC à gauche et Hydrogène à droite)
Pour cela, il faut bien évidemment des investissements conséquents (1 à 2 millions d’euros par station et par énergie), mais aussi de nouvelles compétences pour la maintenance de machines tournantes ou d’installations électriques forte puissance.
Vers plus de création de valeur
Grâce à cette complexité, la valeur ajoutée de la station est plus forte que sur la chaîne de valeur des carburants liquides. Sur le bioGNC par exemple, les coûts de distribution, c’est-à-dire la part liée à la station, représente 30 à 35 % de prix de vente hors TVA, contre 4 à 6 % pour une station Diesel ou Essence.
Pour les acteurs historiques comme Total, Avia ou Shell, la maîtrise de cette complexité s’est faite par le biais de partenariats ou d’acquisitions. On a ainsi vu le groupe Total racheter en 2017 la société néerlandaise « Pitpoint », spécialiste de la distribution de GNV et d’hydrogène et bornes de recharges électriques. Avia compte, quant à lui, sur son partenaire Primagaz pour développer un réseau de stations GNV en Europe. Des initiatives inspirantes à suivre.
Quelles perspectives pour l’avenir ?
Il faut transformer l’existant pour limiter les besoins fonciers. L’État, au travers de sa Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), prévoit un déploiement ambitieux des points de distribution en carburants alternatifs. D’ici 2028, c’est 100 000 bornes électriques d’accès public, 400 à 1000 stations hydrogènes et jusqu’à 850 stations GNV qui sont attendues et qui compléteront la montée en puissance des biocarburants qui compteront pour 10% du volume de carburants distribués.
Ce développement entraînera forcément la construction de nouvelles stations, en particulier par les nouveaux acteurs de l’énergie qui installent des stations 100% énergies alternatives.
V-Gas a développé un modèle de Hub Multi-Energies 100% alternatives.
En Île-de-France, l’APUR a d’ores et déjà étudié la compatibilité des stations-services parisiennes, et seule la moitié d’entre elles pourrait accueillir au moins une énergie alternative.
Les 5 prochaines années seront donc décisives pour les carburants alternatifs. Il faudra combiner le nécessaire maillage du territoire et le développement simultané des différentes filières qui sont toutes aujourd’hui en concurrence avec un pétrole accessible et bon marché.
1 Programmation Pluriannuelle de l’Energie